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#World Around #2 | Nord Amériques

Par Le 18/07/2018

Ailleurs... C'est ailleurs, au Nord de l'Amérique qu'ils ont tenté le grand départ.

A Montréal, au Québec, notre paysagiste Adeline Plais, s'est laissée porter par l'énergie & le côté chaleureux de la Belle Province. A New-York, notre "urbaniste digital", Adam Feral, saisit au jour le jour sa chance d'être un freelance établi depuis peu dans la Big Apple. Ce qui relie leurs interviews, c'est leur goût de l'aventure et le rêve américain, ou plutôt des rêves américains.

Adeline Plais worldaround photo

Adeline Plais

Paysagiste au Québec

 Groupe Espace Vie (Québec)

Adam Feral photo de une

Adam Feral

Urbaniste digital à New-York

Buildrz (Paris), en mission freelance

Entre Québec et France... Ton parcours professionnel actuel s'établit entre ces deux pays, l'un d'ancrage, l'autre d'expatriation. Quelques mots sur ton parcours ?

Lorsqu'on évoque tes premiers pas dans le monde professionnel, on part à New York, où tu travailles en tant que freelance... pour une entreprise française, établie à Paris. Tu peux nous narrer un peu ton parcours ?

Depuis mon adolescence, j’étais très inspirée et admirative des personnes qui voyageaient, comme beaucoup de monde aujourd’hui, mais cela me paraissait inaccessible de par mon jeune âge. Puis au fil des années et de mes études, en aménagement paysager et en géographie, le choix de découvrir d’autres paysages et d'autres cultures m'est apparu peu à peu comme une évidence. En 2016, dernière année de mes études, j’ai eu l’opportunité de rencontrer des personnes inspirantes qui m’ont encouragée inconsciemment à aller au-delà de la frontière de la France, pour mille et une découvertes.

 

Mon premier voyage s'est déroulé au Maroc à Marrakech, le second au Canada à Québec, à chaque fois pour des stages en entreprise d’architectes-paysagistes, à 22 ans.

 

Deux climats opposés, deux sources d’inspirations pour la conception de jardin. C’était l’occasion d’ouvrir mon esprit et d’apprendre! Puis, au cours du stage à Québec, je me suis faite piquer par le charme de cette région. Il y avait encore tant à découvrir et tant d’opportunités à approfondir, tant de valeurs associées au métier de paysagiste qui me parlaient là-bas. J’ai saisi l’opportunité de revenir y travailler tout de suite après la fin de mes études, pour mon premier travail. Et cela auprès d'un bureau d'études spécialisé dans l'architecture paysagère, en lien évident avec ma discipline d'origine.

 

Cv Adeline Plais_extrait

Le parcours d'Adeline Plais, extrait de son CV

 

Présentant un fort intérêt pour les enjeux énergétiques (accessibilité, approvisionnement, énergies renouvelables …), j’ai découvert à travers ma formation en DUT Génie Thermique et Energie, l’aspect « social » de ce domaine. Mon projet de fin d'études pour rendre autosuffisant en énergie le site d’Emmaüs Lescar-Pau (64), a façonné le reste de mon parcours. L'argent économisé par ce projet, grâce aux engagements de l'association, a permis d’embaucher plus de personnes en réinsertion (sortie de prisons, SDF, anciens drogués, etc). J’ai compris lors de ce projet que pour améliorer la vie des gens, il fallait voir les problèmes dans leur globalité, passer de l’échelle du bâtiment à l’échelle du quartier, de la ville. De là, j’ai décidé d'orienter mon parcours autrement.

 

Dans ce but, et sans formation en géographie, j’ai intégré le master Construction et Aménagement Durable à Lille en 2015. J’ai tout de suite accroché à cette formation qui présentait toutes les phases d’un projet urbain. J’ai réalisé chacun de mes stages dans des entreprises innovantes en termes d’urbanisme. A l'issue de mon stage de première année au sein de la Fédération Régionale de Recherche en Santé Mentale (F2RSM), j'ai écrit un mémoire sur les liens entre l’urbanisme et la santé mentale, qui témoignent d’un intérêt croissant dans notre domaine.

 

Mon stage de fin d’études est celui qui m’a le plus marqué. Voyant une grande partie de mes camarades de promotion partir faire des stages pour de grands groupes (Bouygues, Eiffage, entre autres), je voulais découvrir à la fois les acteurs qui proposent comment faire de l’urbanisme autrement, et le monde des start-ups. Mon vœu a été comblé avec Buildrz (Paris), une start-up réinventant les rapports entre maitrise d’œuvre, maitrise d’ouvrage, promoteurs immobiliers et citoyens grâce au numérique. En tant que Chargé des Relations Client à Buildrz, j’ai assisté aux jeux d’acteurs entre ces différents groupes dans le processus de conception urbaine, mais également à la frilosité des services d’urbanisme communaux à passer au numérique. De là, j’ai écrit mon mémoire de fin d’études sur ce sujet, mémoire qui est une incitation pour les communes à accepter ce changement, et à le préparer afin de ne pas le subir.

 

Ma voie était choisie, je ferai de l’ « urbanisme digital ».

 

Mais comme beaucoup à la sortie de l’école, diplôme en poche et proposition de contrat à la clef, je me demandais si travailler tout de suite, sans connaître le monde qui m’entoure, était opportun. Je craignais qu’une fois embarqué dans une routine de travail, il serait compliqué de tout lâcher pour voyager. J’étais en plein dilemme.

Heureusement ma copine, avec qui je vis depuis quelques années et qui avait elle aussi soif de découvertes, a décroché un Volontariat International en Entreprise (VIE) de 18 mois qui permet de travailler pour une boite française à l’étranger. Nous étions comblés, New-York City nous tendait les bras.

 

Ensuite, Buildrz m’a proposé de travailler en tant que freelance, depuis New-York. J’ai accepté.

 

Que t'a apporté et t'apporte encore cette expérience à l'étranger ?

Il y a tant à dire sur tout ce que ça m’apporte, c'est autant sur le plan professionnel que personnel, qui sont en adéquation. Pour le métier d’architecte-paysagiste, j’ai observé puis appliqué un mode de réflexion et de conception différent, adapté à l’environnement du Québec (principalement en raison des intempéries hivernales). Mais c’est aussi chaque jour l’observation des interactions humaines et des habitudes de vie, c’est l’apprentissage de nouveaux modes de construction et de matériaux, c’est vivre dans un cadre de travail décontracté, c’est partager des moments de vie "à la Québécoise". 

Ainsi, vivre à l’étranger, c’est la découverte et l’apprentissage d’un nouveau mode de perception et d’approche : du métier, de la vie en entreprise, de nouveautés. C’est aussi apprendre sur soi, observer à quel point on est capable de réaliser ses objectifs et aller au bout de ses actions.

Je reviendrai avec une ouverture de pensée et de réflexion professionnelle et personnelle, soutenue par une détermination d’accomplissement de mes objectifs. Parce que pour moi le choix de partir travailler à l’étranger m’est aussi apparu comme l’accomplissement de mes études, rythmé d’embûches et de détermination.

Adeline Plais worldaround photo_Lake

Adeline Plais_Canada_Urbaliste.fr _World Around

Je sais que ce n’est pas trop philanthropique, mais cela m’apporte tout d’abord un petit revenu. De plus, je gagne en expérience et le fait de travailler me permet d’acquérir une sorte de légitimité quand je rencontre des acteurs de l’aménagement, de l’urbanisme et/ou du numérique là-bas. 

Enfin, et c’est sans aucun doute le plus important, découvrir un nouveau monde, y habiter, en faire partie, c’est une chose extraordinaire. Je vois quelque chose de nouveau tous les jours, je rencontre de nouvelles personnes, de nouvelles façons de penser. J’évolue au quotidien, je me nourris de ces rencontres, de ces découvertes.

 

A ceux qui hésitent à se lancer, je dirais... Rêvez. Nous sommes heureusement aujourd’hui dans un monde plein de possibilités. Ne vous résignez pas, il n’y a pas seulement deux perspectives qui s’offrent à vous à la sortie de l’école : voyager ou travailler. Des tas de possibilités alternatives existent, je pense au freelance, aux échanges, aux services civiques et autres projets humanitaires. Nous sommes nombreux à nous questionner sur notre avenir, et c’est normal. Mais n’ayez pas peur de faire des choix audacieux, de refuser un CDD/CDI s’il ne vous convient pas, de dire non, de partir vers de nouveaux horizons, de fonder une association. Profitez, surtout ne regrettez pas. Il y a tant à découvrir. 

 

New York_Adam FeralAdam Feral_New York

Et vice-versa, ton ancrage, tes origines françaises, on imagine qu'elles doivent également te servir, à l'étranger ?

Je ne dirais pas que mes origines me servent largement dans ma vie ici, mis à part pour mon accent français qui est très apprécié. Je suis arrivée ici avec le plus de détachement possible de mes habitudes de vie, de réflexion et de pensée. Cela m’a permis d’élargir mon esprit au maximum sans inconfort et de mieux apprécier le changement.

J’ai bien sûr utilisé mes connaissances et compétences acquises durant mes études pour débuter mon travail mais je remarque qu’aujourd’hui en un an, j’ai le sentiment d’avoir bien plus reçu, que ce que je connaissais. Mes études dans le domaine de l’aménagement paysager m’ont permis de poser un premier pas à terre à Québec, il ne me restait ensuite qu’à évoluer pour répondre aux enjeux de l’entreprise. Et cette évolution est le résultat d’actions, citées précédemment (question 2). Selon moi, on a bien plus à apprendre professionnellement et personnellement d’un voyage lorsqu’on peut se détacher de ses habitudes. Je ne pense pas être la seule à soutenir ce point en tant qu’expatriée au Québec, je dirais même que c’est comme une évidence quand on arrive au Québec, on est tellement sous le charme du Québec qu’on se laisse vite tenter par leur mode de vie.

Bien sûr, bien qu’amoureux de Big Apple, je reste profondément ancré à mes origines françaises. Ici, c’est en fait un avantage, tant les new-yorkais sont fous des français, et de notre délicieux « french accent ».  Et même si les français souffrent d'une relative mauvaise réputation (pourboires...).

A part celà, le fait d'être étranger à New-York n'est ni un avantage ni un handicap, tant de cultures et d'orgines étant représentées. Il n'est pas rare de visiter une église dans le Queens et qu'on vous salue en grec, que le gérant d'une échoppe à Brooklyn vous accueille en hébreux ou qu'une boucherie à Harlem soit entièrement francophone ! New-York est vraiment une ville monde.

Adam Feral_New York World Around

 

Quelles sont à ton sens, les principales différences de fonctionnement, de culture propres à l'urbanisme et à la création urbaine, aux processus de travail qui dénotent, dans ton coin d'Amérique du Nord, par rapport à la France ?

La différence la plus visible me semble être la manière de concevoir et d’utiliser un lieu ou un territoire au fil des saisons. Pourquoi ? L’hiver, de décembre à avril, la neige recouvre sur une hauteur d'un demi à deux mètres, toutes les rues, tous les espaces publics, tous les parcs et les jardins. Des espaces sont déneigés pour permettre la circulation piétonne, et dans ce cas-là, il faut anticiper le passage des déneigeuses pour ne pas abîmer les aménagements cachés sous la neige. Cela est valable pour beaucoup de villes du Québec, mais moins utile au Sud du pays.

Ensuite, les matériaux utilisés sont différents de la France et les designs urbains également même s'ils suivent la mode générale. Mais je dirais qu’il y a une forte influence américaine dans l’urbanisme, notamment dans le schéma des quartiers. Les paysages sont de plus en plus pris en compte, avec une conscience qui émerge. Les territoires sont tellement grands que les ressources naturelles nous semblent inépuisables.

Au niveau urbanisme et aménagement, la chose qui me frappe à NYC est le processus de fabrication de la ville par ses acteurs. Ici, les acteurs sont tous partenaires et le rapport semble bien moins conflictuel qu’en France.

Premièrement, et à la différence de notre pays, la ville (NYC du moins) n’est propriétaire de quasiment aucun terrain, elle n’est presque jamais le commanditaire de projets urbains et le droit de préemption et d’expropriation est très limité. De ce fait, ce sont les acteurs privés qui bâtissent la ville, les services d’urbanisme jouant le rôle de réglementation. Cette situation amène à une véritable coproduction de la ville, bien que le rôle des lobbies de l’immobilier, très influents, ne soit pas à négliger.

On est en quête d'une anecdote, d'un élément de fonctionnement pas si anodin, un peu atypique que tu aurais noté de par ton jeune parcours professionnel à l'étranger...

 

Je dirais que la prise en compte de la neige dans la conception d’aménagements a été un réel challenge ! Pour une cour d’école, un jardin de particulier, un parc, une construction spéciale, il faut toujours penser à la question de la neige (choix des matériaux, passage de la déneigeuse, stockage de la neige, réglementation, etc).

En lien avec la question précédente, la ville est seule en charge du zoning, le document de règlementation en vigueur outre-atlantique. Celui-ci ne peut être révisé, et les modifications s’ajoutent aux unes les autres, tant est si bien que celui de NYC fait aujourd’hui près de 1000 pages ! Lors de nouveaux projets urbains, il en général modifié en amont pour permettre aux promoteurs de construire davantage. Cependant, chaque modification est soumise à l’approbation des citoyens habitant la zone impactée. C’est un processus qui dure plusieurs mois qui permet d’étudier, modifier, ou rejeter la proposition de modification du zoning. C’est souvent le cadre de rencontres, d’échanges et de débats entre la ville, les promoteurs et les citoyens, représentés par le community board.

Et au final, à la lueur de tes expériences à l'étranger, tu te sens d'où ? Ou d'ailleurs ?

Je me sens d'ici et de là. Je me sens bien et comme chez moi partout où je vais.

Les fois où je suis revenue à mon appartement en France, j’avais juste hâte de repartir et de continuer à découvrir. J’aime me détacher de mes habitudes et découvrir de nouvelles choses. Le sentiment d’enrichissement de la vie est très fort et les émotions sont vives et sincères. Je n’ai pas ce besoin de vouloir contrôler toute mon existence, alors j’aime me laisser guider par les opportunités qui me font découvrir les richesses du monde

Aujourd’hui, je ne suis pas fixé. Bien que l’urbanisme et l’aménagement s’y mettent péniblement, la dématérialisation des pratiques permet de travailler de NYC pour une boite basée à Paris pour un client situé à Taipei ! J’ai envie de continuer dans cette voie, rencontrer des gens, nouer des relations partout et apprendre du pays qui m’accueille.

 

Ton avenir, où l'imagines-tu ? Ailleurs ?

Aujourd’hui, il me reste tant à découvrir, à apprendre de ce monde qui regorge de richesses. La nature et les richesses de la terre m’apportent une boule d’émotions, une sensation d’émerveillement. Ce moteur dans ma vie me fait avancer vers des événements nouveaux et merveilleux.

Adeline Plais worldaround photo_

Donc je souhaite continuer à découvrir le monde, d’autres cultures, apprendre et comprendre toutes ces interactions naturelles et humaines. Utiliser ensuite mes connaissances et mes expériences pour apporter du mieux possible aux gens ce qu’ils souhaitent pour leurs jardins, pour qu’ils puissent y être heureux. Alors je vais me laisser guider ici et ailleurs.

 

Bien que ne disposant d’aucune certitude, je suis vraisemblablement bien plus positif sur mon avenir aujourd’hui qu’à la sortie de l’école. Cette expérience me permet de rentrer dans le monde du travail en douceur, tout en voyageant. 

Je compte peut-être continuer quelques années à voyager en travaillant (ou à travailler en voyageant!) en tant que freelance, tenter de multiplier les rencontres, les contrats et les opportunités.

 

Adam Feral New York

 


 

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