Double profession pour double métier
L'architecte, c'est celui qui imagine l'esthétique, dessine, conceptualise la ville à l'échelle du bâtiment. L'architecte-urbaniste, de par sa double compétence, est à même d'aborder l'architecture d'un bâtiment comme celle d'une ville, de travailler à l'échelle du petit comme du plus grand. Architecte-urbaniste correspond ainsi à une pratique de la conception urbaine, une réalité d'exercice professionnel, une aptitude gagnée de par l'expérience ou plus officiellement, de par l'obtention du titre de diplôme d'architecte-urbaniste à l'issue d'une spécialisation en troisième cycle d'architecture.
Là où l'architecte est un peu libre, même un peu artiste – un artiste pragmatique, un artiste du réel, va-t-on dire !, là où il se complait parfois à tenter de faire voler en éclats les règles d'urbanisme par des projets audacieux et dénotant avec la vision carrée et réglementaire du code de l'urbanisme, en devenant « architecte-urbaniste » il se dote alors d'une nouvelle compétence dans une discipline qu'il ne peut désormais plus ignorer et dont il doit comprendre et supporter les mécanismes puisqu'il y prend part.
Devenir architecte-urbaniste ? Pourquoi pas juste architecte ?
« Et pourquoi tu veux être architecte-urbaniste ? Je veux dire... Y a pas des gens payés pour ça ? »
Ce « ça », né d'une réflexion imaginaire -quoique probablement déjà entendue par des architectes-urbanistes de la bouche même de leurs pairs architectes, se réfère ici à l'urbanisme, domaine longtemps laissé de côté par certains de ces derniers. Et pourtant, la tendance s'inverse.
Architecte-urbaniste, c'est même à la mode dans les offres de formations des écoles, et ça tend même parfois à devenir une norme. Tant d'architectes se revendiquent actuellement « architectes-urbanistes », à tort ou à raison puisque si la profession d'architecte est réglementée, la profession d'urbaniste ne l'est pas. D'où l'ambiguïté d'une partie de ceux qui prétendent être « architecte-urbaniste ».
Architecte-urbaniste est un métier à part entière, adoubé d'une reconnaissance de la profession. Et de l'État. En reconnaissant des diplômes de spécialisation en architecture et urbanisme au sein des écoles d'architecture françaises, éclot toutefois comme un paradoxe : l'État reconnaît la double compétence d'architecte-urbaniste alors même qu'aucun titre d'État en urbanisme n'existe encore (la fameuse non réglementation de la profession d'urbaniste!). En créant également le corps des « Architectes-Urbanistes » de l'État dès 1993, rapprochement tant attendu que logique des Architectes des Bâtiments de France (ABF) et des Urbanistes de l'État (UE) sans pour autant entraîner la disparition de chacun des statuts qui continuent à coexister, l'État avait pourtant déjà reconnu l'existence de trois métiers distincts. Un paradoxe qui constitue néanmoins comme un premier pas de l'État pour la reconnaissance la profession d' « architecte-urbaniste ».
Qui plus est, la double qualification est de plus en plus recherchée au sein des agences d'architecture. Le projet se traite de plus en plus d'un bout à l'autre par les architectes et leurs équipes, d'où l'importance pour les agences d'enrichir leurs rangs de personnes dotées de doubles parcours, à même de parler le même langage que les collectivités et les acteurs publics pour lesquels elles œuvrent.
Et l'intérêt, alors ? La curiosité ? L'ouverture à de nouvelles disciplines ? Là où l'architecte excelle dans l'art de concevoir des bâtiments, l'architecte-urbaniste explore autour, et on l'espère voit plus loin.