L’élément qui m’a le plus étonnée – et ne cesse de me ravir – depuis la création du Facteur urbain, c'est la dimension écosystémique de mon activité. Je m’explique : lorsqu’on monte son atelier, on sollicite beaucoup de personnes-ressources, elles-mêmes entrepreneures ou connaisseuses des enjeux de l’entrepreneuriat, parfois dans son domaine, parfois non… puis, au fur et à mesure que se peaufine et se structure le projet, que ses contours sont plus clairs, on sollicite des personnes référentes dans son propre domaine, on découvre progressivement l’écosystème qui nous entoure.
Traditionnellement, on se représente les relations économiques quasi exclusivement sous l’angle de la concurrence ; or j’ai été agréablement surprise de découvrir que des potentiels concurrents sont avant tout des partenaires !!
Partisane du travail coopératif de longue date, j’ai la chance de pouvoir continuer à penser mes relations de travail de cette manière, tout environnement concurrentiel et libéral existant par ailleurs…
Force est de constater que nous avons du mal à faire avec les autres, à construire des projets de manière véritablement coopérative, et a fortiori à ouvrir les espaces décisionnels et de conception des projets (de tous types) à des acteurs dont la légitimité à opiner est questionnée.
La notion d’intérêt général en France est éclairante à ce sujet. « Argument massue des politiques pour s'octroyer une transcendance à bon compte »1, l’intérêt général à la française suppose que les élu.e.s disposent d’une entière légitimité pour prendre des décisions d’ordre public, en l’occurrence en termes d’aménagement et d’urbanisme.
D’ailleurs, « C'est en voyant comment [est mobilisée la formule de l'intérêt général] que nous comprendrons la manière dont la participation peut constituer en France une exigence théorique suivie de peu d'effets pratiques [...]. L’intérêt général constitue en France une sorte de substitut de la volonté générale chère à Rousseau. Que cette volonté générale soit introuvable et que toute consultation démocratique serve à le rappeler n’empêche que l’expression elle-même persiste étonnamment dans le vocabulaire politique républicain. Manière donc de dire la supériorité de la République sur la démocratie, de faire de tout représentant de la première une personne capable de dépasser, de transcender, les positions partisanes que suscite la seconde »2.
Au contraire, les habitant.e.s sont soupçonné.e.s d’être empreint.e.s de stigmates individuels, de leurs particularismes et leurs intérêts personnels, qui les rendent « incapables de se hisser à la hauteur de l’intérêt général »3.
Pourtant, les évolutions sociétales à l’œuvre viennent contrarier cette perception du rôle des pouvoirs publics et de la construction des politiques publiques – en particulier à l’échelle territoriale.
Le Facteur Urbain cristallise l'ensemble de mes engagements :
- accompagner la maîtrise d’ouvrage de manière pertinente et sécurisée, afin de définir une ingénierie de la concertation adaptée au projet et au contexte, et trouvant un écho mobilisateur et enrichissant ;
- potentialiser la maîtrise d’usage en construisant et stimulant le collectif, donnant à voir les envies et besoins individuels et collectifs, construisant un diagnostic partagé et une mise en récit de projet, aboutissant à un cahier des charges concerté et des déclinaisons opérationnelles réalistes et réalisables ;
- articuler et coordonner l’ensemble des acteurs, dans une logique de médiation de projet entre maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre et maîtrise d’usage, qui permet une gestion des conflits, un partage des enjeux et un projet finalement riche, légitime et inclusif.
1 BOULLIER D., "Choses du public et choses du politique : pour une anthropologie des inouïs", in CARREL M., NEVEU C., ION J. (dir.), Les intermittences de la démocratie. Formes d'action et visibilités citoyennes dans la ville, Ed. L'Harmattan, 2009, p.27.
2 DONZELOT J., EPSTEIN R., "Démocratie et participation : l'exemple de la rénovation urbaine", Esprit, n°326, 2006, p.21
3 CARREL M., "La citoyenneté plurielle. Appréhender les dispositifs participatifs dans leur environnement", in CARREL M., NEVEU C., ION J. (dir.), Les intermittences de la démocratie. Formes d'action et visibilités citoyennes dans la ville, Ed. L'Harmattan, 2009, p.93.